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DÉMOCRATIE ET SANTÉ :
les coopératives au cœur
du système public de santé québécois
Depuis 15 ans, près d’une cinquantaine de coopératives de santé ont vu le jour au Québec et
contribuent fortement à la réalisation de la mission du système public de santé québécois.
Souvent implantées dans des communautés où l’accessibilité aux soins faisait défaut ou était
en péril, elles regroupent des dizaines de milliers de citoyens qui participent activement à
la gestion de ces cliniques communautaires. Ces projets révolutionnent les services de santé
dans leur région et donnent un second souffle à des cliniques en déclin. Initialement centré
sur la dispensation de soins de première ligne, ce réseau de cliniques communautaires est à la
base d’une des plus importantes mobilisations citoyennes du Québec et donne lieu à des
approches de plus en plus innovantes et transformatrices.
En effet, si l’élément déclencheur de la mobilisation citoyenne autour de ces projets est
souvent l’accès aux services de première ligne, il est aujourd’hui évident que la contribution
des coopératives de santé ne s’arrête pas là. Les principes de responsabilité et de prise en
charges intrinsèques au modèle coopératif ont amené de nombreuses coopératives à
développer des programmes de prévention et d’éducation à la santé qui contribuent de façon
importante au bien-être de leur communauté.
Un développement qui passe
par l’innovation
Au cours des dernières années, de nouveaux
modèles se dessinent afin de répondre à
l’évolution des besoins et de pallier aux
disparités de services disponibles. Certaines
initiatives s’inspirent d’expériences faites
ailleurs. C’est ainsi qu’à Lorraine dans les
Basses-Laurentides, un groupe d’aînés s’est
en partie inspiré d’une initiative américaine
pour fonder la coopérative de solidarité et
d’entraide des Mille-Îles, une coopérative
qui offrira à ses membres des services visant
à assurer leur qualité de vie, leur bonne santé
et leur autonomie. À travers le référencement,
l’accréditation et le regroupement d’achat
de services, cette coopérative agira ainsi
directement sur les déterminants de la santé
de sa communauté. Un tel projet pourrait,
à moyen terme, constituer un modèle pour
d’autres communautés québécoises et
constituer un élément important d’une
stratégie québécoise pour faire face au
vieillissement de la population.
Des coopératives pour un
système vraiment public ?
D’autres changement importants seront
nécessaires pour assurer la viabilité du
modèle québécois en santé, notamment dans
le domaine des médicaments et des pharma-
cies, un secteur qui coûte de plus en plus cher
à l’État et aux particuliers, mais dont le
contrôle est pourtant entièrement privé. Ce
monopole corporatif est un paradoxe évident
dans un système qui se veut public et un
paradoxe qui nous coûte très cher !
Moyennant des changements législatifs, le
modèle coopératif pourrait - comme c’est le
cas en Belgique et ailleurs en Europe avec les
pharmacies sociales - assurer une vraie
concurrence dans le secteur de la distribution
pharmaceutique favorisant ainsi un meilleur
contrôle du prix des médicaments. Le modèle
existe et a fait ses preuves, mais une forte
volonté politique sera nécessaire pour assurer
de tels changements. En plus d’être bénéfiques
pour l’État, ces changements le seraient aussi
pour les mutuelles de santé, les compagnies
d’assurances et les consommateurs, leur
permettant de sauver des centaines de
millions de dollars. Le modèle coopératif dans
le secteur de la santé nous réserve peut-être
pour l’avenir ses plus belles contributions…
par
MARTIN
VAN DEN BORRE
COOPOINT